Le premier ministre Indien Manmohan Singh a subi la semaine dernière un quintuple pontage, une opération de plus en plus courante en Inde. Selon le journal médical Lancet, une étude récente a relevé que 60% des patients cardiaques dans le monde seraient indiens, alors qu’ils ne représentent que 15% de la population mondiale.

Ce nombre surprend, parce que les études d’obésité et de maladie cardiaques ciblent plus généralement les américains et la mal bouffe. Les indiens seraient-ils plus sensibles a ces maladies – plus encore que les mangeurs de burger-frites-coca ?

Il semblerait que oui, et pour quatre raisons : le régime alimentaire, la culture, le stress et le manque d’exercice.

Des textes sacrés interdisent explicitement la viande, le végétarisme est devenu un dogme. La nourriture indienne est donc supposée être très végétarienne, mais – c’est un comble – elle manque en fait de légumes. Le plat principal au nord est fait avec de la farine, au sud, c’est le riz. Le second plat le plus important la lentille sous plusieurs formes. Les légumes ne sont pas consommes en quantité. On peut même faire un dîner sud indien végétarien sans manger un seul légume.

La pomme de terre est le légume le plus consommé, les haricots verts et les petits pois viennent en deuxième position. Cependant, ceux-ci sont bouillis ou fris jusqu’à perdre toutes leurs valeurs nutritives.

Les Gujjaratis et les penjabis sont les deux communautés les plus sensibles aux maladies cardiaques. Cette vulnérabilité est récente : depuis plusieurs dizaines d’années, les populations principalement agricoles se sont déplacées vers les villes, adoptant ainsi un mode de vie plus urbain – sans pour autant modifié leur régime alimentaire. C’est cette transition d’une vie physique a une vie sédentaire qui les a rendus très vulnérables.

Les Gujjaratis sont également très atteints de diabète, et ce fait découle directement du succès économique de cet état du nord de l’inde. Au contraire des autres états, le Gujarat est par habitude plus urbain, cause et à la fois raison de la nature très mercantile de leur société. Les Gujaratis vivent dans des villes depuis des générations.
La prospérité ne leur a pas seulement apporté plus d’argent, mais aussi plus de temps libre. Tout cela a amené a une consommation très régulière d’encas fris, bouillis, sucrés ou salés.

Le pain du paysan gujarati est une galette de pain de millet, auquel viennent s’ajouter des légumes verts, de l’ail, du piment et du lait caille. Un ensemble déjà très nourrissant – mais les paysans préfèrent désormais se tourner vers la nourriture des riches commerçants, plus gras et plus sucrée.

Les plats à emporter de Bombay ont été inventés par les commerçants Gujjaratis au 19e siècle, lorsqu’ils arrivaient ou quittaient la grande ville après une longue journée de voyage. Le Pav Bhaji, un mix de légumes et d’oignons, servis avec du pain grille et beurre, est l’une de ces inventions.

Bien que les Jains représentent une très faible part de la population indienne, leur domination sur le commerce a fait que la plupart des restaurants de Bombay proposent un menu Jain. Cette religion, strictement végétarienne, interdit également l’ail et le gingembre.

La culture indienne encourage les repas rapides. Le repas n’est pas un moment de conversation, comme c’est le cas chez nous. Comme il n’y a pas une succession de plats – entrée, plat, dessert – manger n’est pas codifié. Vous pouvez arriver dans un restaurant Gujjarati, Mahathi ou sud-indien, et ressortir 15 minutes plus tard le ventre plein. Manger n’est alors que la réponse à une nécessité, et non pas un plaisir comme c’est le cas chez nous.

Les Indiens mangent avec les mains, sans couverts ni baguettes. Il en résulte des bouchées plus importantes. Les recettes sont de plus faites pour ne pas avoir à boire pendant un repas – les indiens prennent un verre d’eau avant et après manger, rarement pendant.

Comme dans toutes sociétés en développement, la nourriture est un bien important. Ainsi, Ghee, beurre clarifie consomme en quantité en Inde, est un mot sacre dans toutes les langues indiennes.

Les invitations a manger chez les uns ou les autres font parties de la culture très hospitalière des indiens. Offrir un thé et un snack a un visiteur de passage est chose courante.

Les familles de classe moyenne, même celles qui gagnent 200 euros par mois, ont du personnel de maison. Ils font tout ce que nous faisons nous-même en France : la cuisine, la vaisselle, le nettoyage, la lessive.

Repeindre la maison, changer un pneu, déplacer les meubles, aller chercher un café pendant le travail – pour toutes ses taches, les Indiens embaucheront quelqu’un pour le faire à leur place.

Gandhi a inspiré la culture indienne sous bien des coutures, mais pointer du doigt ce fainéantise aura été vainc. Gandhi pronait l’autosuffisance, il nettoyait tout lui-même. Malheureusement, les hommes indiens ne font aucun travail ménager. Les femmes issues de la classe moyennes font très peu, surtout après la naissance du premier enfant. Même si beaucoup cuisinent, le nettoyage reste la tache d’un employé de maison. Fines a l’adolescence, elles prennent inévitablement du ventre peu de temps après leur mariage.

Puisqu’ils sont dépendants d’autres personnes, les indiens ont moins de contrôle sur ce qui les entoure. Cela les rend stressés et anxieux. Surveiller que le personnel de maison ne vole rien, les engueulades avec les voisins, la conduite sur les routes indiennes, les éternelles négociations avec les vendeurs… Tout ce qui les entoure crée du stress. Rien n’est ordonné, tout inquiéte.

Au travail, la hiérarchie ne se montre jamais très communicante. Personne ne sait ce que les autres font. Si connaitre certaines choses peut créer du stress, le manque d’informations en créer d’autant plus.

Puisqu’il n’y a pas d’individualisme en Inde, le mérite vient immanquablement des seniors avec des jeunes managers talentueux qui sont sous pression devant une hiérarchie qui ne peut accepter un jeune à un poste important. Les Indiens sont d’incroyable détecteurs de niveaux sociaux, et rien ne peut ébranler la sacro-sainte hiérarchie verticale dans les bureaux.

Et pour ne rien arranger, le sport et l’entretien physique ne font pas vraiment partis de la culture indienne.

Original en anglais par Aakar Patel, librement traduit par mes soins. Merci à Brice pour cet excellent lien !