Intéressante vision que celle de Outlook, numéro de cette semaine, qui retransmet le malaise des gens de Bangalore…
Tout d’abord, la situtation : Il y a 5 ans environ, des grosses boîtes comme Infosys ou Wipro faisaient leur apparition en Inde. Le génie de leurs créateurs, lancé dans des conditions de marché idéale, a permis à ces entreprises de devenir aujourd’hui des acteurs internationaux incontournables. On a déjà entendu parler des campus à la Google où évoluent des milliers d’indiens, cependant au milieu d’un pays dont le PIB par habitants n’est pas comparable à celui des Etats Unis. Tout est prévu pour ces IT people1, de la crèche d’entreprise aux écoles, supermarchés, etc. Un microcosme qui, à Bangalore, s’est très vite étendu. Les habitants ont vu fleurir les mall, ces grandes surfaces gigantesques, et ont été fiers de cette apparition de richesse.
Très rapidement, le nombre d’entreprises s’est démultiplié, les indiens ont afflué de toute l’Inde pour venir travailler dans ces grands centres pour têtes (presque) pensantes. Les infrastructures et l’urbanisme étant ce qu’ils sont en Inde, la ville a très vite été dépassée par les évenements et les bouchons n’en finissent pas de s’aggrandir, les loyers d’augmenter, la pollution de s’étendre… On aurait pu croire qu’une venue d’indiens bien éduqués aurait résolue certains problèmes, mais ce n’est pas le cas ! Ces employés ont assimilé les valeurs du travail à l’américaine : plus tu travailles, plus tu gagnes. (remarque, y en a d’autres qu’essayent ce même schéma). Le profit apparaît comme la priorité, au dépend de bien des concepts que l’hindouisme avait pour alors imposé, au bénéfice du pays par ailleurs.2

Ces dernières années, Bangalore est devenu une des villes les plus dangereuses. Les centres d’appel, qui travaillent majoritairement la nuit, ont recruté un grand nombre de jeunes indiennes. Les enlèvements et viols sont désormais un problème majeur. Bien sûr, les jeunes IT ne sont pas responsables de ce problème, mais cela empire le moral des locaux…
Les loisirs à l’occidental sont apparus en même temps que les entreprises : McDo, Pizza Hut, bars, boîtes… Alcool et cigarettes, rock, … Rien pour plaire aux protecteurs de la culture ! Outlook conclut sur la déception de certains, vis-à-vis de ce potentiel qui se retrouve une déception… Je n’aime guère les auto-proclamés protecteurs de la culture, qui font fermer toutes les boîtes de Pune les unes après les autres, mais je ne suis pas non plus convaincu que la présence de gigantesques campus, dont la mentalité est très éloignée de la mentalité indienne, apporte beaucoup de choses positives.

C.N.R. Rao dans une interview parue dans l’article (ici en anglais), s’insurge : Si l’IT va faire disparaître nos valeurs, brulez Bangalore, brulez l’IT. S’il y a autant de grosses têtes qu’ils le disent, pourquoi l’Inde ne produit-elle pas plus de doctorats par an ? Seulement 25 en informatique par an, c’est vrai que pour un pays de cette taille…
J’ai un début de réponse à ce monsieur. Si tous ces gens font des études dans le seul but de rentrer dans des grosses boîtes, faire un travail en dessous de leurs compétences, et rentrer chez eux le soir avec de l’argent… C’est que cette situation les satisfait. Finalement, très peu d’indiens sont intéressés par l’avenir de leur pays. Le Times of India a même lancé une campagne gigantesque pour trouver les futurs leaders du pays, sans même aller jusqu’à parler de politique. Etonnante initiative de la part d’un magazine !
Heureusement, certains jeunes se lancent après les grandes études dans des projets plus humanitaires et se penchent sur les problèmes de leurs pays. C’est rare, mais mais ces histoires sont médiatisées et j’espère qu’elles influencent ainsi les plus jeunes !

1. Par IT, comprendre technologie de l’information. Travailler dans l’IT en Inde peut signifier faire du support technique au téléphone pour des clients occidentaux, développer des nouveaux logiciels, faire de l’audit pour des grands groupes…
2. Excepté Ganesh avec sa grosse panse, les dieux hindous ne pronent pas la richesse.